La reine de la fête foireuse

spectacle adulte

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PRESENTATION

L'action se déroule dans une fête foraine et plus particulièrement devant la friterie, le stand de la voyante et celui du jeu de massacre. Les forains, eux, ne sont pas à la fête étant donné le peu d'affluence de clients. Les marchandes de nougat, de barbes à papa et de fleurs ont autant de raisons de se lamenter que le marchand de ballons. Il faut se rendre à l'évidence, les clients "potentiels" préfèrent regarder la télévision plutôt que de faire la fête. Alors, pour passer le temps, les forains s'interpellent et s'apostrophent, on s'invective puis on se met à boire ou à rêver pour surmonter l'ambiance de cette fête foraine devenue foireuse. Pris d'une fièvre soudaine, le marchand de ballons va s'exprimer par paraboles et prétendre que la lune est un écran de télé qui ne serait pas carré et que ses anges apocalyptiques sont descendus sur terre pour anéantir forains et artistes. Continuant dans le même délire, la voyante extra-lucide affirme que le livreur de télés n'est autre qu'un suppôt de Satan qui transporte l'instrument de la mort de leur profession. Dans leur quête de survie, tous perdent pied avec la réalité, comme Jocelyne, la fille de la marchande de frites qui, après s'être présentée à l'élection de la reine de la fête foraine, se voit offrir un emploi de speakerine à la… télévision ! Un comble alors que ses compagnons forains ne cessent de dénoncer cette sacro-sainte télévision !

Fiche technique

14 personnages

5 hommes 9 femmes

Personnages:

(par ordre d'entrée en scène)

Carlos, le propriétaire du stand de jeu de massacre
Paula, la femme de Carlos
Louise, la propriétaire de la baraque à frites
Brigitte, l'employée et nièce de Louise
Irina, la voyante extralucide
Hector, le marchand de ballons
Martine, la marchande de fleurs
Paul, un passant
Hortense, la vieille dame au chien
Le livreur de télévisions
Agathe, la marchande de barbe à papa
Clotilde, la marchande de nougats
Momo, l'annonceur
Jocelyne, la fille de Louise

Décor:
Une fête foraine dans une petite ville.
L'action se situe dans un certain périmètre de la foire et nous n'apercevons donc pas toutes les attractions.
Seuls sont visibles une baraque à frites, le stand d'une voyante et un jeu de massacre.
Devant la baraque à frites, sont installées quelques tables en fer et des chaises.

Extraits

C'est le soir. La propriétaire de la baraque à frites, Louise, est assise dans sa cahute et ne fait rien. À côté d'elle, son employée et nièce, Brigitte, est plongée dans la lecture d'une revue destinée aux midinettes. La voyante, Irina, lit son horoscope dans un magazine pour femmes. Dans le stand de jeu de massacre, Carlos, le propriétaire, fume une cigarette. Sa femme, Paula, feuillette un journal. Une marchande de fleurs, Martine, est assise sur une chaise. Son panier de fleurs est posé sur une table. Elle ne fait rien, sinon regarder ses fleurs en rêvassant. Non loin d'elle, assis à une table, Hector, le marchand de ballons, joue seul aux cartes. Personne ne parle. Un temps. Un promeneur traverse la scène. Tous sortent aussitôt de leur torpeur, comme s'ils avaient reçu une décharge électrique, sauf Paula et Brigitte.

CARLOS :
Venez tenter votre chance au jeu de massacre. Abattez toutes les boites de conserve et vous emportez le gros lot. Deux euros les trois boules, trois euros les six boules !

IRINA :
Tarot, boule de cristal, lignes de la main ! Vingt euros la consultation et je vous révèle la vérité sur votre avenir. Venez connaître votre destin avant qu'il ne soit trop tard !

LOUISE :
Par ici les bonnes frites de Louise ! trois euros le petit paquet, quatre euros le gros ! Demandez nos sandwichs pâté, saucisson, jambon, camembert !

HECTOR :
Achetez mes ballons, mes ballons de toutes les couleurs, plus légers que l'air ! deux euros le ballon, trois euros les trois !

MARTINE :
Qui veut mes fleurs ? Mes jolies fleurs ? Mettez du parfum dans votre vie avec un joli bouquet de fleurs. Quatre euros le bouquet de jolies fleurs ! cinq euros les deux bouquets !

* Le promeneur disparaît sans s'arrêter. Aussitôt, tous se taisent et reprennent leurs activités. Un temps. Passe une femme tenant en laisse un petit chien. Même réaction des forains qu'auparavant. La femme disparaît sans s'arrêter. Tous reprennent en silence leurs activités. Un temps. Passe un homme portant avec difficulté une télévision. Les forains se lèvent, mais se taisent à la vue de la télévision. Ils regardent passer l'homme avec un regard haineux. L'homme passe sans s'arrêter. Un temps puis le premier promeneur repasse. Même jeu des forains. Le promeneur disparaît sans s'arrêter. Un temps puis la femme au chien repasse. Même jeu des forains.

HORTENSE :
Ce n'est pas la peine de crier ainsi. Je ne me promène que pour les besoins de mon chien.

* Elle s'en va. Tous reprennent leurs activités en silence. Un temps. L'homme à la télévision repasse, mais sans télévision. Même jeu des forains. L'homme disparaît sans s'arrêter.

PAULA :
Ce n'était pas la peine de crier. C'était un livreur.

CARLOS :
Les livreurs ont le droit de se distraire comme tout le monde.

PAULA :
C'était un livreur de télévisions.

CARLOS :
Les livreurs de télévision n'ont pas le droit de se distraire ?

PAULA :
Ils ont le droit mais ils n'ont pas le temps.

CARLOS :
Ah ! Et pour quelle raison ?

PAULA :
Parce qu'ils ont trop de travail… Eux !

CARLOS : (Haussant les épaules)
Trop de travail…

PAULA : (à Irina)
Que dit votre horoscope aujourd'hui, madame Irina ?

IRINA :
Il prédit du bon et du moins bon.

PAULA :
Lisez-le, ça me distraira l'ennui.

IRINA : (Lisant)
Vous êtes particulièrement dynamisé par le remue-ménage des planètes. Vous êtes de plus en plus sociable et ouvert. Tout ce qui se passe autour de vous, vous passionne. Profitez de ce regain de curiosité d'esprit pour suivre des cours du soir. Entre midi et quatorze heures, ne vous abonnez pas aux sandwichs sous prétexte de gagner du temps. Vous avez grand besoin de légumes frais, de fruits et de laitages.

PAULA :
Eh béh !

IRINA :
Je sentais bien, ces derniers temps, que quelque chose ne tournait pas rond. J'avais des aigreurs au niveau de l'estomac. Mais il ne me serait jamais venu à l'idée que les sandwichs en étaient la cause.

CARLOS :
Vous auriez du regarder dans votre boule de cristal. Elle vous aurait renseigné sur vos petits bobos.

PAULA :
Madame Irina, elle est voyante pour les autres, pas pour elle-même.

CARLOS :
Ouais ! C'est ça ! Moi, je trouve dommage de dépenser ses sous dans une revue débile pour lire son horoscope. Surtout quand on exerce le métier de voyante extralucide.

PAULA :
Madame Irina fait de son argent ce qu'elle veut. Cela prouve qu'elle en a… Elle !

CARLOS :
Pfft ! De quoi te plains-tu ? Tu as ton journal.

PAULA :
Je me plains que mon journal est daté du 16 octobre et que nous sommes aujourd'hui le 10 mai.

CARLOS :
Tu t'es fait escroquer par le libraire.

PAULA :
Le libraire ? Tu parles, ce journal, c'est Louise qui me l'a prêté.

LOUISE :
C'est vrai, et j'aimerai bien le récupérer ! J'en ai besoin pour mes épluchures de pommes de terre.

PAULA :
Ne vous tracassez pas, Louise, je vais vous le rendre. D'ailleurs, je le connais par cœur, c'est la cinquième fois que je le lis.

CARLOS :
Et pourquoi as-tu lu ce canard cinq fois ? Tu n'avais pas bien compris la première fois ?

PAULA :
Ce canard, je l'ai lu cinq fois parce que je n'ai rien d'autre à faire, connard.

CARLOS : (Haussant les épaules)
Rien d'autre à faire…

* Paula se dirige vers la baraque à frites et tend le journal à Louise.

PAULA :
Tenez, je vous restitue votre feuille de choux pour vos épluchures… J'ai une de ces fringales… Vous m'offrez un paquet de frites ?

LOUISE :
Je vous offre, je vous offre ! Offrez-moi de l'argent et je vous offrirai un paquet de frites.

PAULA :
Et toi, Brigitte, tu ne veux pas m'offrir un paquet de frites ? Tu serais gentille.

BRIGITTE :
Il faut demander à Madame Louise.

PAULA :
Laisse tomber. (Elle retourne à son stand) De toutes façons, je m'en fous, je suis au régime (à Carlos) au régime forcé !

* Un temps. Le promeneur traverse la scène. Même jeu des forains. Le promeneur disparaît sans s'arrêter.

PAULA :
Ouvrez vos yeux et vous verrez que votre client potentiel, c'est toujours le même bonhomme qui passe et qui repasse.

IRINA :
Vous êtes certaine ?

PAULA :
C'est vrai, que pour une voyante, vous ne voyez pas grand chose !

CARLOS :
Client potent… quoi ?

PAULA :
Potentiel ! Un client potentiel ! Ca suppose qu'avec un peu de bonne volonté, il y aurait possibilité de transformer ce bonhomme en client. Je dis bien possibilité. Mais chez toi, les clients ne sont pas potentiels, ni même hypothétiques, ils ne sont rien du tout, des courants d'air.

CARLOS :
Potentiels, hypothétiques ? Mais où as-tu appris tous ces mots, Paula ?

PAULA :
A lire cinq fois les mêmes journaux, je finis par avoir du vocabulaire.

CARLOS :
Écoute, Paula, ce n'est pas ma faute si les affaires ne marchent pas bien.

IRINA :
Il faut avouer qu'en ce moment, le client se fait rare.

CARLOS :
Et si vous jetiez un œil dans votre boule de cristal pour savoir où il est le client.

LOUISE :
Pas besoin de regarder les boules de cristal pour savoir où il est le client.

CARLOS :
Ah bon ! Et où est-il ?

HECTOR :
Il est devant une boule de cristal cubique qui diffuse des feuilletons débiles.

CARLOS :
Pfftt !

* Le promeneur repasse.

CARLOS : (Désignant le promeneur)
Et celui-ci ! Pourquoi il ne fait pas comme les autres ?

LOUISE :
Demandez-le-lui.

CARLOS :
Monsieur ! Hep, monsieur !

PAUL :
Pardon, c'est moi que vous appelez ?

CARLOS :
Oui, monsieur, j'aurai une question à vous poser.

PAUL :
Un sondage ! Non-merci, je n'ai pas le temps.

CARLOS :
Non, non, pas du tout, c'est une question tout à fait personnelle.

PAUL :
Bon, posez votre question. J'essaierai de répondre au mieux.

CARLOS :
Euh… A vrai dire, ce n'est pas facile. Je ne sais pas comment formuler la question. (À Irina) Comment demanderiez-vous ça, vous ?

IRINA :
La question est délicate. Il faut trouver une formule adéquate.

PAULA :
Délicate, adéquate, ce que vous pouvez être tordus tous les deux ! (Au promeneur) Mon mari Carlos ici présent aimerait connaître la raison de votre présence en ces lieux, alors que tous vos concitoyens sont cloués dans leurs fauteuils à regarder la télévision.

CARLOS :
Tu es forte, Paula. Moi, je n'aurai pas demandé de cette façon.

PAUL :
La raison en est fort simple. Je haïs, je déteste, je ne supporte pas la télévision !

CARLOS :
Et pourquoi donc ?

PAUL :
Ce sont là, monsieur, des raisons personnelles que je n'ai pas à vous dévoiler.

LOUISE :
Peu importe le pourquoi ! Monsieur déteste la télévision et cela mérite récompense. Approchez, monsieur, je vous offre un paquet de frites.

PAULA :
Ça alors ! À lui, vous offrez !

LOUISE :
J'offre parce que monsieur a horreur de la télévision.

PAULA :
Mais moi aussi !

LOUISE :
Vous ne l'avez pas dit !

PAULA :
Eh bien, je le dis ! Je déteste la télévision.

LOUISE :
Trop tard ! Je ne fais qu'une bonne action par jour. Tenez, mon bon monsieur, les bonnes frites de chez Louise cuites à l'huile pure arachide. (Elle lui tend un paquet de frites)

PAUL : (Prenant le paquet et s'installant à une table)
Merci, c'est très gentil à vous. (Il se rue sur les frites et les avale goulûment).

MARTINE :
Eh bien, c'est ce qui s'appelle avoir faim !

PAUL : (Humblement)
Excusez-moi, mais je n'ai pas mangé de la journée.

MARTINE :
Et pour quelle raison ? Vous avez trop de travail ?

PAUL :
Je suis au chômage.

MARTINE :
Quel est votre métier ?

PAUL :
Je n'ai pas de métier, puisque je suis au chômage.

MARTINE :
Pardonnez-moi, je suis bête, j'ai mal posé ma question. Je voulais dire : que faisiez-vous comme métier avant d'être au chômage ?

PAUL : (Après une hésitation)
J'étais présentateur de télévision.

MARTINE :
Ah ? Oui… Évidemment, je comprends mieux.

* Hortense traverse la scène avec son chien.

CARLOS : (à Hortense)
Vous aussi, vous détestez la télévision ?

HORTENSE :
C'est à moi que vous vous adressez ?

PAULA :
Veuillez pardonner la brusquerie de mon mari, madame, mais il voulait savoir si vous détestiez la télévision.

HORTENSE :
Pourquoi me posez-vous cette question ?

IRINA :
Parce que les rares personnes qui se promènent dans la rue à cette heure-ci sont celles qui n'aiment pas la télévision.

HORTENSE :
Il peut y avoir d'autres raisons.

IRINA :
Lesquelles ?

HORTENSE :
Moi, par exemple, je travaille toute la journée et je suis obligée de laisser mon chien dans l'appartement, et si je sors le soir, c'est pour que mon chien puisse faire ses petits besoins. Remarquez, d'habitude, je ne le sors qu'une fois, mais aujourd'hui, je ne comprends pas ce qu'il a. Il n'arrête pas de gratter à la porte et pourtant, quand je le descends, il ne fait pas. Il n'a pas un comportement habituel. Je pense que ça doit être à cause de la pleine lune.

IRINA :
Pourquoi ? C'est la pleine lune, aujourd'hui ?

* Tous regardent le ciel.

IRINA :
Vous avez raison, c'est la pleine lune.

HORTENSE :
Vu votre profession, je suis étonnée que vous ne soyez pas au courant.

IRINA : (Gênée)
à vrai dire… C'est que…

HECTOR :
Madame Irina ne travaille pas avec les astres, elle ne fie qu'à son instinct.

HORTENSE :
Ah ?

IRINA :
Oui, j'ai hérité l'instinct de ma mère qui, elle-même, l'avait hérité de sa mère. À ce propos, si vous voulez connaître ce que vous réserve l'avenir, profitez-en. Ce soir, je fais des tarifs réduits.

HORTENSE :
Oh non, merci. Nous sommes déjà obligés d'assumer le passé, il me semble difficile de supporter en plus le poids de l'avenir.

CARLOS :
Vous avez raison, madame, il faut vivre au présent et se défouler ! Et pour cela, rien de tel qu'une bonne partie de jeu de massacre !

HORTENSE :
Vous n'y pensez pas. Le bruit des boîtes de conserve va effrayer mon chien.

HECTOR :
Si vous n'aimez pas le bruit, laissez-vous tenter par un joli ballon léger et silencieux.

HORTENSE :
Merci, monsieur, mais je n'ai pas d'enfants.

HECTOR :
Pour votre toutou, alors.

HORTENSE :
Je vous en prie, monsieur, ne tombons pas dans les idées reçues. Ce n'est pas parce que je vis seule avec un chien qu'il faut en déduire que je suis gâteuse.

MARTINE :
Un petit bouquet de fleurs, madame, pour agrémenter votre intérieur.

HORTENSE :
Non-merci, je préfère quand on me les offre.

LOUISE :
Je suis certaine que madame est gourmande et j'ai de quoi la satisfaire : de succulentes frites cuites à l'huile pure arachide !

HORTENSE :
Il est vrai que vous avez deviné mon point faible : la gourmandise.

LOUISE :
Ah, je le savais ! Brigitte, sers donc une portion de frites à Madame. Elle va se régaler.

HORTENSE :
Hélas, madame. J'ai trop de mauvais cholestérol dans le sang et mon médecin m'a formellement interdit toute matière grasse. Je suis désolée. Mesdames et messieurs, je vous souhaite une bonne nuit.

* La dame au chien s'en va.

LOUISE :
C'est bien ma veine ! Une seule personne de passage ce soir et elle a du cholestérol ! Pourquoi les médecins ne soignent-ils pas leurs clients, au lieu de les empêcher de manger ?

* Agathe, la marchande de barbe à papa, entre sur scène.

AGATHE :
Barbe à papa, achetez mes barbes à papa !

IRINA :
Comment vont les affaires, Agathe ?

AGATHE :
Demandez à votre boule de cristal.

MARTINE :
De quel côté de la fête viens-tu ?

AGATHE :
Du côté des auto-tamponneuses et je suis passé devant la grande roue.

MARTINE :
Il y a du monde par-là ?

AGATHE :
Pas un chien.

HECTOR :
Alors, nous avons plus de chance qu'eux.

AGATHE :
Vous avez eu des clients ?

HECTOR :
Nous avons vu un chien passer, mais il n'a rien acheté.

AGATHE : (S'asseyant)
Très drôle ! (À Louise) Sers-moi un paquet de frites, Louise, j'ai l'estomac dans les talons.

LOUISE :
Je veux bien, mais… (Elle fait un signe caractéristique avec ses doigts pour réclamer de l'argent)

AGATHE :
Je t'échange un paquet de frites contre une barbe à papa. Ça marche ?

LOUISE :
Mouais… ça peut fonctionner. Ma fille Jocelyne adore les barbes à papa.

PAULA :
Alors ça, c'est de la provocation !

LOUISE :
Vous avez quelque chose à m'échanger, vous ?

PAULA :
Je vous troque une boîte de conserve contre un paquet de frites.

LOUISE :
Si encore elles étaient pleines, vos boîtes de conserve ! Tiens, Brigitte, va porter un paquet de frites à Agathe.

* Brigitte porte le paquet de frites à Agathe qui lui donne, en échange, une barbe à papa. Brigitte regarde la barbe à papa avec admiration. Agathe mange ses frites.

LOUISE :
Brigitte !

BRIGITTE :
Oui ?

LOUISE :
Tu n'as jamais vu de barbe à papa ?

BRIGITTE :
Si, madame Louise.

LOUISE :
Alors, pourquoi tu la regardes comme ça ?

BRIGITTE :
Je trouve ça beau.

LOUISE :
Mouais… N'y touche pas, c'est pour Jocelyne.

* Brigitte ramène la barbe à papa dans la baraque à frites.

AGATHE :
Au fait, où est-elle, Jocelyne ?

LOUISE :
Cela fait au moins trois heures qu'elle est enfermée dans notre caravane. Je ne saurai pas te dire ce qu'elle y fait, mais ce qui est sûr, c'est que ça n'est pas normal. Ça n'est pas dans ses habitudes. Mais depuis cet après-midi, elle a un comportement bizarre.

HECTOR :
Elle est peut-être en train de gratter à la porte, comme le chien de la dame, à cause de la pleine lune.

* Louise hausse les épaules. Entrée de Clotilde, la marchande de nougats.

CLOTILDE :
Nougats, nougats, qui veut mes bons nougats ?

MARTINE :
Il y a du monde du côté où tu viens, Clotilde ?

CLOTILDE :
Pas un chat !

HECTOR :
Nous avons plus de chance, nous avons vu un chien passer.

CLOTILDE :
Et il vous a acheté quelque chose ?

HECTOR :
Non, rien, il était pressé.

CLOTILDE :
Les temps sont durs pour nous autres forains.

HECTOR :
Si ça avait été un chat, il m'aurait peut-être acheté un ballon. Les chats aiment bien jouer au ballon.

CLOTILDE :
Oui, mais les chats n'ont pas d'argent, mon brave Hector.

HECTOR :
Ça ne fait rien. Il serait aller voir madame Louise, lui aurait échangé un peu de tendresse contre un paquet de frites, puis il m'aurait donné son paquet de frites, en échange de quoi, je lui aurai offert un joli ballon coloré. Et tout le monde aurait été content.

LOUISE :
Tout le monde sauf moi ! La tendresse de votre chat, vous pouvez vous la garder, parce que les caresses de chat, c'est comme les caresses d'homme, ça ramène des puces, et quand il vous ont refilé la puce, ils vous la laissent et on ne les revoit plus. C'est comme cela qu'on se retrouve en train de travailler du matin au soir pour nourrir une puce qui n'était pas prévue dans le planning.

CLOTILDE :
Ne soyez pas amère, madame Louise. Vous l'aimez bien, votre puce.

LOUISE :
Bien sûr que je l'aime, ma puce. Et j'aime aussi les caresses, mais pas les caresses de chat.

* Le livreur de télévisions traverse la scène, avec une télévision dans les bras. Tous le regardent passer comme s'il s'agissait d'un ennemi. Il sort de scène sans s'arrêter.

IRINA :
Ils travaillent même la nuit, ces gens-là ?

CLOTILDE :
Il n'y a rien d'extraordinaire. Nous aussi, on travaille la nuit.

PAULA :
Dire qu'on travaille me paraît exagéré. Lui, il travaille. Nous, nous attendons. Nous sommes dans une grande salle d'attente et nous ne savons pas ce que nous attendons.

CARLOS :
Nous attendons le client, Paula.

PAULA :
Le client ! Quel client ?

CARLOS :
Le client poten… potentiel.

PAULA :
Ton client potentiel, cela fait cinq ans que nous l'attendons. Il est légèrement en retard, il me semble.

CARLOS :
Là, tu exagères, Paula. En cinq ans, nous avons tout de même eu des clients.

PAULA : (ironique)
Oui, quelques-uns en effet.

CARLOS :
Suffisamment pour que je t'offre une nuit à l'hôtel le jour de ton anniversaire et le jour de la sainte Paula.

IRINA :
C'est une attention délicate.

PAULA :
La délicatesse serait de ne pas m'obliger à dormir tout le reste de l'année sur la banquette arrière de notre automobile.

CARLOS :
Ne te plains pas. Moi, je dors sur le siège avant et je t'évite ainsi de passer la nuit avec le levier de vitesse dans les reins.

IRINA :
C'est gentil de votre part.

PAULA :
La gentillesse aurait été de me prévenir dans quelle galère il m'embarquait quand nous nous sommes mariés. Je pensais avoir épousé un homme ambitieux. Bilan : quatre mois après les noces, il rachète ce stand à un "ami" qui prétendait que c'était l'affaire du siècle. Après la vente, le cher "ami" a disparu et nous, nous attendons le client potentiel.

CARLOS :
Il va bien finir par arriver, Paula, et tout va s'arranger.

PAULA :
Ton optimisme me rend si pessimiste, mon pauvre Carlos, que ça me donne envie de pleurer de désespoir.

* Le livreur de télévisions retraverse la scène, mais sans télévision.

CARLOS :
D'ailleurs, regarde ! En voilà un. Venez tenter votre chance au jeu de massacre ! Abattez toutes les boîtes de conserve et emportez le gros lot. Cinq francs les trois boules, huit francs les six boules !

* Le livreur disparaît sans s'arrêter. Carlos a l'air pitoyable et évite le regard de Paula qui le fixe. Un temps. Paula s'empare de la bouteille de mousseux qui sert de gros lot et tente de la déboucher.

CARLOS :
Paula ? Qu'est-ce que tu fais ?

PAULA :
Je me résigne, et je fais ce que font tous les gens résignés, je me saoule pour me supporter.

CARLOS :
Mais, Paula, cette bouteille, c'est le gros lot. Tu vas boire le gros lot !

* Le bouchon de la bouteille saute en l'air.

PAULA :
À la santé du client potentiel ! (Elle boit à la bouteille)

CARLOS :
Mais, Paula, tu sais bien que c'est du vulgaire mousseux. Ça va te rendre malade !

PAULA :
Tant mieux ! Être malade, ça me donnera l'impression d'exister.

* Entrée de Momo, l'annonceur. Il porte une pancarte sur laquelle est écrit : "Aujourd'hui à 21 heures, bal populaire. Élection de la reine de la fête foraine."

MOMO : (regardant Paula en train de boire)
C'est la fête par ici !

PAULA :
C'est la fête foraine, la fête foireuse !

AGATHE :
Qu'est-ce qu'elle annonce ta pancarte, Momo ?

MOMO :
Aujourd'hui à 21 heures, bal populaire. Election de la reine de la fête foraine.

PAULA :
Élection de la reine de la fête foireuse ! (Elle boit)

AGATHE :
J'aimerai bien être la reine. Inscris-moi, Momo.

MOMO :
Ce n'est pas moi qui prends les inscriptions. Si tu veux concourir, tu te présentes à la salle des fêtes et tu demandes au jury de t'inscrire.

AGATHE :
Je plaisantais, Momo. C'est qui le jury ?

MOMO :
Il y a un monsieur très important qui vient de Paris. Il travaillerait à la télévision, à ce qu'on dit.

AGATHE :
Comment il est ?

MOMO :
Imposant. Il doit peser au moins dans les 120 kilos. Il n'a presque plus de cheveux sur la tête et il porte une petite barbichette grisonnante.

AGATHE :
Comment s'appelle-t-il ?

MOMO :
Son prénom, c'est Arthur, mais alors son nom, c'est compliqué. Attends, Galé… Galé… otto… otti ! Galéotti. C'est ça : Arthur Galéotti.

MARTINE : (à Paul)
Vous le connaissez ?

PAUL :
Moi ? Non, pourquoi ?

MARTINE :
Vous m'avez bien dit qu'avant d'être chômeur, vous étiez bien présentateur de télévision ?

PAUL :
Oui… C'est à dire que…

MARTINE :
Alors, vous devez connaître ce monsieur Galéotti ?

PAUL :
Euh… Je ne me souviens pas… à vrai dire, j'ai seulement passé une audition pour devenir présentateur télé mais… mais… comment vous expliquer ?

MARTINE :
Mais vous n'avez pas été reçu.

PAUL :
Voilà… C'est comme vous dites… Mais pour être précis, ils ne m'ont pas laissé le temps de … de… de… (On devine que ça lui rappelle un mauvais souvenir)

MARTINE :
Bref, vous n'avez jamais été présentateur de télé.

PAUL :
Pas vraiment… On peut le dire comme vous avez dit…

* Entrée de Jocelyne. Elle arrive, à la manière d'un mannequin dans un défilé de mode. Elle porte une robe blanche en tulle et en dentelle qui lui donne l'allure d'une poupée ancienne. La coiffure est très extravagante, le maquillage outrancier. Tous la regardent avec effarement. Elle est très fière de l'effet de surprise qu'elle a provoqué. Elle marche d'une façon très maniérée. Elle est à la fois attirante et ridicule, mignonne et grotesque, attendrissante et risible, belle et burlesque.

JOCELYNE :
Alors ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Dites-moi votre avis.

* Aucune réponse. Sans bouger, ils la regardent, comme devant une vision surnaturelle.

JOCELYNE :
Impressionnant, non ? (Toujours pas de réponse) Hector, toi qui es connaisseur, donne-moi ton opinion.

HECTOR :
Je… Je ne sais pas quoi dire. C'est… C'est indéfinissable. C'est… C'est apocalyptique. (Il parle avec emphase, comme sous le coup d'une illumination) Et j'ai vu un ange qui descendait du ciel, revêtu d'une nuée, et un arc-en-ciel était sur sa tête, et son visage était comme le soleil, et ses pieds étaient comme des colonnes de feu, et il a posé le pied droit sur la mer, mais le gauche sur la terre et il a crié à haute voix, comme lorsque rugit un lion. Et quand il a crié, les sept tonnerres ont fait entendre leurs propres voix.

JOCELYNE : (Lui tapotant la joue)
Tu es gentil, mon petit Hector, j'aime quand tu me donnes ton avis. (Elle s'assoit en face de Paul) Et vous, monsieur que je ne connais pas, qu'en pensez-vous ? Comment me trouvez-vous ?

PAUL :
C'est… C'est très coquet.

LOUISE : (Parlant pour elle-même)
Mon Dieu… Mon Dieu…

JOCELYNE :
Et toi, Carlos, et toi, Momo, quel est votre sentiment ?

MOMO :
C'est… C'est ravissant.

CARLOS :
Euh… Charmant, tout à fait charmant.

LOUISE : (Parlant pour elle-même)
Mon Dieu… Mon Dieu…

CLOTILDE :
Tu ne demandes pas l'avis des femmes ?

JOCELYNE :
Non, je préfère le point de vue des hommes. Ils n'osent jamais dire ce qu'ils pensent vraiment. C'est moins vexant.

LOUISE : (Parlant pour elle-même)
Mon Dieu… Mon Dieu…

JOCELYNE : (à Louise)
Arrête ! C'est agaçant. Pourquoi répètes-tu sans arrêt : Mon Dieu, Mon Dieu ?

LOUISE :
Je ne sais pas. Je ne me suis pas rendu compte que je disais cela.

JOCELYNE : (à Brigitte)
Brigitte, apporte-moi une portion de frites. Non, plutôt un sandwich au pâté. Je vais avoir besoin de forces pour ce soir.

HECTOR :
Et où s'envole-t-il, ce soir, notre cher ange apocalyptique ?

JOCELYNE : (Montrant la pancarte de Momo)
Mon cher Hector, tu ne sais pas lire ? Élection de la reine de la fête foraine. J'ai mis tous les atouts de mon côté pour que, ce soir, Mesdames et messieurs, la reine, ce soit moi.

LOUISE : (Parlant pour elle-même)
Mon Dieu… Mon Dieu…

JOCELYNE : (Avec humeur)
Encore !

LOUISE :
Pardon. Je n'ai pas fait attention à ce que je disais.

* Pendant ce temps, Brigitte a déposé le sandwich sur la table devant Jocelyne et depuis, sans bouger, la regarde fixement.

JOCELYNE : (à Brigitte, brutalement)
Et toi ? Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ?

BRIGITTE :
Tu es belle.

JOCELYNE : (Surprise et un peu gênée de sa brutalité)
Merci. Tu es gentille. (Brigitte continue de la fixer, admirative) Il n'y a pas de cornichons dans mon sandwich. Tu peux aller m'en chercher ?

BRIGITTE :
Oui, Jocelyne, j'y vais. (Elle ne bouge pas)

JOCELYNE : (Gênée)
Merci. Tu es gentille.

BRIGITTE :
Oui, je sais. Je suis gentille, mais toi, tu es belle.

JOCELYNE : (De plus en plus mal à l'aise)
Brigitte… Mes cornichons…

BRIGITTE : (Partant enfin)
J'y vais.

* Jocelyne respire comme si elle venait de retenir son souffle depuis un long moment. Le livreur de télévisions traverse la scène, avec une télévision dans les bras. Tous le regardent passer en silence. Il disparaît sans s'arrêter. Jocelyne va s'asseoir au stand d'Irina et lui tend sa main.

JOCELYNE :
Madame Irina, lisez-moi les lignes de la main. Je veux savoir si aujourd'hui est un grand jour pour moi.

LOUISE :
Je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à l'appeler Irina en sachant parfaitement que son vrai prénom, c'est Madeleine. N'est-il pas vrai, Madame "Irina", que votre vrai prénom, c'est Madeleine ?

IRINA :
Et alors ? Tout le monde ne peut pas s'appeler Louise !

JOCELYNE :
N'écoutez pas Maman. Elle est de mauvaise humeur aujourd'hui. C'est toujours comme ça, les jours de pleine lune.

IRINA :
Ah ! Vous saviez que c'était la pleine lune ?

JOCELYNE : (Levant les yeux au ciel)
Ça se voit, non ? Lisez-moi les lignes de la main. Non, tirez-moi plutôt les cartes.

IRINA : (Sortant un jeu de tarot)
Comme vous voulez. (Elle étale une par une les cartes) Dans votre vie privée, des surprises se préparent à cause de la haute tension due à l'opposition exacte de Jupiter à Neptune au carré de votre signe. On vous met au défi. Cela vous stimule. Vous ne cédez pas un pouce de terrain, mais vous protégez votre territoire sans accepter la moindre concession. L'opposition de Vénus en Scorpion à votre signe donne un tour passionnel à vos relations. Sur le plan sentimental, sachez faire des concessions et n'hésitez pas lorsqu'il s'agit de donner des preuves d'amour. Mais attention, un refus mal interprété, une incompréhension et patatras.

JOCELYNE :
En résumé, ça donne quoi ?

IRINA :
Il y a du bon et du moins bon. Cela fait vingt euros.

JOCELYNE :
Ah oui… C'est que… (Elle cherche une poche hypothétique) Maman, donne-moi vingt euros.

LOUISE :
Vingt euros ! Pour les prédictions de MADELEINE, des phrases toutes faites qu'elle a apprises par cœur ! (Sortant un billet) Tu vois, Hector, le problème avec les puces, c'est que ça gratte, ça gratte sur la dépense.

HECTOR :
Il fallait mettre de l'antipuces quand le chat vous caressait, Madame Louise.

LOUISE : (Donnant le billet à Jocelyne)
On devrait plutôt castrer tous les chats.

JOCELYNE :
Merci Maman. Je te le rendrai quand je serai reine. (Elle tend le billet à Irina)

IRINA :
Merci Mademoiselle Jocelyne. Dieu vous le rendra quand vous serez reine.

MOMO :
Il me semble que vous devriez vous dépêcher, mademoiselle Jocelyne. Le concours va bientôt commencer.

JOCELYNE :
C'est vrai ? Il est déjà l'heure ? Mon Dieu, j'ai le trac.

LOUISE :
Au fait, j'avais mis une barbe à papa de côté pour toi.

JOCELYNE : (S'en allant)
Je la mangerai tout à l'heure quand je serai reine. (Elle sort)

LOUISE : (La barbe à papa dans la main)
Tout à l'heure, elle aura sûrement une odeur de frites.

* Le livreur de télévisions traverse la scène, mais sans télévision.

IRINA :
Il nous nargue celui-là à passer et à repasser sans cesse.

CLOTILDE :
Vous croyez qu'elle a une chance ?

HECTOR :
Qui ça ? Quand ça ? Où ça ?

CLOTILDE :
Jocelyne, ce soir, à l'élection de la reine de la fête foraine.

HECTOR :
Tout dépend des goûts vestimentaires du jury.

CLOTILDE :
J'aurai bien aimé me présenter aussi, mais je n'avais pas de belle robe à me mettre.

HECTOR :
Il fallait te présenter toute nue. Tu aurais gagné à coup sûr.

CLOTILDE :
Idiot !

* Hortense apparaît sur scène, sans son chien. Elle s'assoit en face de Paul.

HORTENSE :
Vous permettez, monsieur, que je m'installe en face de vous.

PAUL :
Je vous en prie.

HORTENSE : (à Louise)
Madame, pourriez-vous me servir un paquet de frites, s'il vous plaît.

LOUISE :
Ah ? Vous n'êtes plus au régime ?

HORTENSE :
Normalement si, mais… Je vais vous expliquer. Je suis rentrée chez moi et je me suis installée confortablement dans un fauteuil devant la télévision. J'ai essayé de regarder un film, mais je n'ai pas réussi à m'y intéresser, non pas qu'il n'était pas captivant, mais parce que je n'arrêtai pas de penser à autre chose. Et ce quelque chose d'autre, madame, ce sont vos frites. Je pensais sans cesse à vos frites. Je regardais l'écran et je voyais vos frites. Trouvant qu'il faisait chaud, j'ai ouvert la fenêtre et là, j'ai senti vos frites. N'y tenant plus, j'ai remis mes chaussures, et me voilà. C'est plus fort que moi, il faut que je goûte à vos frites.

LOUISE :
À trois euros ou à quatre euros ?

HORTENSE :
À quatre euros ! Au diable le cholestérol ! Remarquez, je suis étonnée de mon comportement et je vous demande de m'en excuser. D'habitude, je ne cède pas aussi facilement à la gourmandise, mais aujourd'hui… ça doit être à cause de la pleine lune.

MARTINE :
Et votre chien, où est-il ?

HORTENSE :
Il dort. Il était trop agité, je lui ai fait avaler un somnifère. Il s'est endormi tout de suite.

LOUISE :
Et un paquet de frites à quatre euros ! Le commerce reprend ! Brigitte, va porter les frites à madame.

* Brigitte prend le paquet et le porte à Hortense.

HORTENSE : (à Brigitte)
Ce que vous avez l'air triste, mademoiselle. Vous êtes souffrante ?

BRIGITTE :
Non, madame.

HORTENSE :
Vous avez des problèmes familiaux ?

BRIGITTE :
Non, madame.

HORTENSE :
Alors ? Pourquoi êtes-vous si triste ?

BRIGITTE :
Je ne suis pas triste, madame.

HORTENSE :
Dans ce cas, pourquoi ne souriez-vous pas ?

BRIGITTE :
Je souris dans ma tête, madame. Vous avez un beau chapeau, madame.

HORTENSE :
Tu le veux ? Je te le donne.

BRIGITTE :
Non, merci, madame. Il est plus joli sur votre tête.

HORTENSE :
Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

BRIGITTE :
Je ne sais pas, madame.

HORTENSE :
Il n'y a rien dont tu aurais envie ?

BRIGITTE :
Si, madame.

HORTENSE :
Et de quoi s'agit-il ?

BRIGITTE :
Une barbe à papa, madame.

HORTENSE :
S'il n'y a que cela pour te faire plaisir… (à Agathe) Mademoiselle, pourriez-vous me vendre une barbe à papa, s'il vous plaît ?

AGATHE : (Tendant une barbe à papa à Hortense)
Vous savez, elle a de quoi se la payer, elle a des petites économies.

HORTENSE :
Ça ne fait rien. Combien vous dois-je, mademoiselle ?

AGATHE :
Trois euros, madame.

HORTENSE : (Tendant l'argent à Agathe, puis la barbe à papa à Brigitte)
Tiens, prends-la.

BRIGITTE :
Oh, merci, madame.

* Brigitte regarde la barbe à papa avec des yeux émerveillés.

HORTENSE :
Tu ne la manges pas ?

BRIGITTE :
Oh non, madame ! Si je la mange, je ne pourrai plus la regarder.

* Brigitte se dirige vers la baraque à frites. Au bout de quelques pas, elle se retourne vers Hortense.

BRIGITTE :
Merci, madame.

HORTENSE :
De rien. Cela m'a fait plaisir.

* Brigitte entre dans la baraque à frites et continue d'admirer sa barbe à papa. Hortense entreprend de manger ses frites.

LOUISE :
Fais attention à l'huile des frites, Brigitte. Je vais au petit coin.

BRIGITTE :
Bien, madame Louise.

* Louise sort de la baraque à frites et traverse la scène.

LOUISE :
Excusez-moi, messieurs dames, mais j'ai un petit besoin à satisfaire.

IRINA :
On n'est pas obligé de le savoir.

LOUISE :
Je le dis, au cas où, vous aussi, vous auriez un petit besoin pressant. Quand je vais aux toilettes, j'aime prendre mon temps et j'ai horreur d'être dérangée.

IRINA :
Ça va, on a compris. Épargnez-nous les détails.

LOUISE :
Je préfère prévenir. Vous seriez capable d'y aller juste après moi et de me déranger dans ma méditation.

IRINA :
Les toilettes ne sont pas réservées que pour vous.

LOUISE :
Peut-être, mais quand j'y suis, j'aime autant qu'on n'y aille pas en même temps que moi.

IRINA :
Eh bien, j'espère que vous n'êtes pas constipée.

* Louise sort de scène.

PAULA :
Si vous apercevez le client potentiel, Louise, au cas où il serait dans les toilettes, dites-lui qu'aujourd'hui, il y a la fête, la fête foireuse. Dites-lui de venir s'y amuser, qu'il y a des attractions merveilleuses, qu'il y a même un fabuleux jeu de massacre où on peut abattre, moyennant quelques pièces, des boîtes de conserve. Oui, messieurs dames, vous avez bien entendu : des boîtes de conserve ! Nous vous garantissons le grand frisson de l'aventure ! Et vous avez la possibilité exceptionnelle de gagner le gros lot : une magnifique bouteille de mousseux… vide ! Parce que j'ai bu le contenu.

CARLOS :
Calme-toi, Paula.

PAULA :
Mais n'ayez pas de regrets, messieurs dames, parce que ce mousseux était vraiment imbuvable. Seuls, les gens résignés peuvent avaler cette boisson infecte.

CLOTILDE :
Carlos, dites à votre femme de se taire. Elle va faire fuir le client.

PAULA :
Le client ! Quel client ?

CARLOS :
Le client potentiel, chérie.

PAULA :
Ne m'appelle pas chérie ! Quand on prétend aimer une femme, on ne l'oblige pas à passer sa vie à surveiller des boîtes de conserve vides.

CARLOS :
C'est notre gagne-pain, Paula.

PAULA :
Ouvre les yeux, mon pauvre Carlos. Nous sommes entrés dans le siècle du surgelé, de l'audiovisuel, du multimédia et toi, tu veux encore distraire le peuple avec des boîtes de conserve vides ! Tu ne te rends pas compte que ces boîtes en fer blanc, ce sont nos cercueils, Carlos, nos cercueils !

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​​La reine de la fête foireuse