On a failli jouer Shakespeare

Comédie

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PRESENTATION

Une petite compagnie théâtrale parisienne se déplace en province pour jouer «Roméo et Juliette» de William Shakespeare. Le public est dans la salle. Le spectacle va commencer mais le rideau se coince à l'ouverture. Ce n'est que le début des problèmes pour la troupe. Tout va aller de mal en pis. Incident sur incident. Les acteurs vont-ils réussir à jouer la pièce ?

On a failli jouer Shakespeare est une comédie délirante impossible à résumer. Il serait dommage de révéler quoi que ce soit de la pièce et de son intrigue car les surprises surgissent dés le début du spectacle et ne s'arrêtent pas avant la fin.

Fiche technique

11 personnages

5 hommes 6 femmes

Personnages

POPAUL, concierge
LUCIENNE, femme de Popaul
PAULINE, actrice
RENE, souffleur
MARCEL, acteur
JULES, acteur
GONTRAN, metteur en scène
ROLANDE, actrice
BRIGITTE, actrice
ROSINE, mère de Brigitte
MONIQUE, actrice


pas de décor. Une scène vide.
Un rideau de scène est indispensable dans cette pièce.


Costumes d'époque pour les "acteurs"
Costumes quotidiens pour les autres


Une musique au début et à la fin suffit.

**
Il est indispensable de pouvoir faire le noir complet pour la scène de la coupure de courant.

Extraits

Le rideau de scène est fermé. On entend les sept puis trois coups qui annoncent le début du spectacle.

VOIX OFF :
Mesdames et Messieurs, nous avons le grand honneur de vous présenter ce soir : " Roméo et Juliette " de William Shakespeare.

* Le rideau commence à s'ouvrir mais s'arrête au bout d'un mètre. Ca coince. Plusieurs tentatives pour l'ouvrir, mais sans résultat. Un temps. Du fond de la salle de spectacle entre un homme habillé en bleu de travail et portant un escabeau.

POPAUL :
Excusez-moi, messieurs dames… Un petit ennui technique…. Le rideau est coincé… Ne vous inquiétez pas, je n'en ai pas pour longtemps… Enfin, je l'espère… (il déplie son escabeau et l'installe devant le rideau de scène, puis il monte dessus. Arrivé en haut, il se rend compte que l'escabeau ne monte pas assez haut) Couille ! (Se retournant vers les spectateurs, l'air gêné) Oh, pardon, excusez-moi… J'ai tendance à dire des gros mots quand je suis en colère et qu'il y a des problèmes… Et là, il y a problème… Ils m'ont filé une échelle trop courte, ces idiots ! Comment voulez-vous que je répare un rideau de quatre mètres de haut avec un escabeau de un mètre quatre vingt ? Bon, réfléchissons au problème… (On entend les onze coups annonçant le commencement du spectacle) Qu'est-ce qu'ils sont cons ! Vraiment, qu'est-ce qu'ils sont cons ! (aux spectateurs) Faites pas attention. A chaque fois, ils me font le même coup. Ils le font exprès ! Ils font croire que le spectacle commence, rien que pour m'embêter. Moi, je suis le technicien, je suis pas acteur. Mon nom, c'est Paul mais les copains m'appellent Popaul. Attention, mes copains, c'est pas ceux qui ont frappé les sept coups pour faire croire que le spectacle commençait. Oh non ! Ces idiots-là, ce sont les acteurs qui vont jouer dans le spectacle qui doit bientôt commencer (très fort vers les coulisses) mais qui n'est pas encore commencé ! Ils ne pensent qu'à faire des blagues. Des vrais gosses ! Des artistes, quoi ! Ca s'amuse pendant que les autres travaillent. Tenez, moi, par exemple, je suis pas payé pour faire le clown. C'est moi qui fait tout ici. Dés qu'il y a quelque chose qui marche pas, on m'appelle. Un robinet qui fuit et c'est tout de suite: "Popaul, tu peux venir réparer le robinet ?". Des planches mal vissées et vlan: "Popaul, tu peux venir réparer le décor ?". Les fusibles qui sautent et aussitôt: "Popaul, tu peux venir réparer les fusibles ?".

UNE VOIX EN COULISSES:
Popaul, tu peux venir réparer les fusibles ?

POPAUL:
Ah, c'est malin. Qu'ils sont cons ! Quand je vous disais qu'ils ne pensent qu'à faire des blagues. Et c'est tout le temps comme ça. Conneries sur conneries. Ils s'arrêtent jamais, même pas pour respirer. Des artistes, quoi ! Ah, je vous jure, il faut avoir le moral bien accroché pour travailler ici. Je ne sais pas pour vous mais moi, ils me font pas rire. Sans vouloir vous influencer, je me demande vraiment pourquoi vous venez les voir. Moi, à votre place, j'irais plutôt au cinéma. Un bon Belmondo ou un bon Stallone ! Enfin, à chacun ses goûts !

UNE VOIX EN COULISSES:
Arrête de dire des conneries, Popaul, et dépêche-toi de réparer le rideau. On doit commencer le spectacle.

POPAUL:
Ouais, ouais, on y va, on y va. Y'a pas le feu !

UNE VOIX EN COULISSES:
Pin pon pin pon pin pon…

POPAUL:
Je vous le disais, ils prennent même pas le temps de respirer. Quand ils ont fini une connerie, ils en inventent aussitôt une autre !

UNE VOIX EN COULISSES:
Popaul, y'a les toilettes qui sont bouchées !

POPAUL:
Connerie sur connerie ! Qui c'est qui a encore bouché les toilettes ?

UNE VOIX EN COULISSES:
C'est le plombier !

POPAUL:
Et vous trouvez ça drôle ? Vous feriez mieux de vous concentrer ! Bon, C'est pas tout ça, mais moi j'ai du travail. (un moment perplexe) Ah bah, alors ça c'est drôle. Avec tout ça, je me rappelle plus ce que je devais faire. Je me souviens que je devais réparer quelque chose par ici mais je ne sais plus quoi.

UNE VOIX EN COULISSES:
Tu dois réparer la fermeture éclair de ton pantalon, elle est ouverte.

POPAUL : (regardant la fermeture éclair de son pantalon)
Même pas vrai ! Ils sont cons… Ah oui, le rideau ! Bon, je vais aller chercher une échelle plus haute. (Il descend de l'escabeau et le replie) Excusez-moi encore messieurs dames, je fais du plus vite que je peux. Eh bin, tenez, en attendant, je peux vous prêter mes mots croisés. (Il sort de sa poche un livre de mots croisés) Moi, quand je m'ennuie, c'est ce que je fais, des mots croisés. Ca passe le temps. (Donnant le livre à un spectateur) Tenez, vous n'avez qu'à déchirer les pages et en distribuer aux autres… Ca vous fera patienter en attendant que je répare le rideau… Par contre je n'ai qu'un crayon. (Il donne son crayon au spectateur) Vous n'aurez qu'à vous le passer à l'un l'autre. Faut vous organiser ! Dés qu'il y en a un qui a trouvé une définition, il lève le doigt et Monsieur lui fait passer le crayon. Bon, je compte sur vous, soyez sage, je reviens dans un instant.

Il sort de la salle en emportant son escabeau. Un temps. Popaul revient en portant une grande échelle. Sa femme Lucienne l'aide à la transporter.

POPAUL :
Bon, cette fois ça devrait aller ou je me les coupe ! (regard gêné vers les spectateurs) Excusez-moi, je suis un petit peu énervé. Je me suis fait aider par ma petite femme… Je vous la présente, elle s'appelle Lucienne. C'est elle qui fait le ménage ici.

LUCIENNE :
M'sieurs dames, bien l'bonjour ! J'vous présente mon homme : Paul, Popaul pour les intimes.

POPAUL :
Laisse tomber, je me suis déjà présenté.

LUCIENNE :
Comme il l'a dit mon homme, c'est moi qui fais le ménage ici. Alors vous serez bien gentils de faire attention à pas salir. J'espère que tout le monde a bien essuyé ses pieds sur le tapis avant d'entrer. Si vous voulez me faire plaisir, vous évitez aussi de jeter vos papiers de bonbon par terre et vous ne mettez pas vos crottes de nez sous les sièges, s'il vous plait. (désignant une spectatrice) Bin oui, madame, vous me regardez avec un air étonné, mais vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de crottes de nez que je retrouve collées sous les sièges. Pendant le spectacle, les gens, ils en profitent pour se récurer les narines et au lieu de mettre ça dans leur mouchoir, hop ! Ils te collent le colis sous les sièges ! Et qui c'est qui nettoie ça ? C'est Lucienne ! Et comme je nettoie juste après le spectacle, ça n'a pas encore eu le temps de sécher et bon appétit Lucienne ! Le bouquet, c'était après une soirée spéciale troisième âge… Un kilo et demi ! Je l'ai fait peser à mon homme sur sa balance… Il en revenait pas non plus !

POPAUL :
Ouais, véridique ! Un kilo et demi ! Et on avait bien pris soin de peser en mettant de côté les chewing-gums.

LUCIENNE :
Un jour, j'ai même ramassé un préservatif, et il avait servi.

POPAUL :
C'est pas moi, Lulu, je te jure !

LUCIENNE :
Pourquoi tu te défends, je t'ai pas accusé.

POPAUL :
Non, mais c'est comme si… Tu m'as regardé !

LUCIENNE :
Oh, toi, tu te défends trop vite, c'est pas normal. Tu me caches quelque chose !

POPAUL :
Allons, ma Lulu, tu sais bien que je n'aime que toi.

LUCIENNE :
C'est ça, oui, parle toujours, tu m'intéresses… Tu crois que je ne remarque pas ton manège avec les actrices.

POPAUL :
Je vois pas de quoi tu parles, ma Lulu.

LUCIENNE :
C'est ça, oui… Moi, je vois de quoi je parle et je parle de ce que je vois. Comme par hasard, tu as toujours une lampe à changer au moment où les actrices, elles changent de costume.

POPAUL :
Tu ne vas tout de même pas m'accuser d'avoir programmé les lampes pour qu'elles tombent en panne au moment où les actrices s'habillent.

LUCIENNE :
Plutôt au moment où les actrices se déshabillent. Si, t'en serais bien capable, bricoleur comme t'es ! T'arrives bien à régler le réveil électrique pour qu'il sonne à sept heures !

POPAUL :
Mais, ma Lulu, c'est pas la même chose !

LUCIENNE :
C'est du pareil au même. Le réveil et les lampes, ça fonctionne avec l'électricité.

POPAUL :
Oui, mais…

LUCIENNE :
Ne me contredis pas ! J'aime pas qu'on me contredise quand j'ai raison. Tu es vicieux, comme tous les hommes d'ailleurs. (s'adressant à une spectatrice) Bin oui, Madame, vous me regardez avec des yeux commes des billes, moi je vous le dis, foi de Lucienne, les hommes sont vicieux. Il n'y en a pas un pour ratrapper l'autre. Je voudrais pas vous décourager mais le votre, c'est pareil : il vous tient la main pendant qu'il en regarde une autre. Tous des vicieux !

POPAUL :
Les femmes, c'est pas mieux !

LUCIENNE :
Qu'est-ce que tu dis ?

POPAUL :
Je dis que les femmes, elles valent pas mieux ! Parce que tu causes, tu causes, mais toi non plus, tu n'es pas toute blanche.

LUCIENNE :
Qu'est-ce que tu insinues ?

POPAUL :
J'insinue que lorque j'ai le dos tourné, tu t'arranges toujours pour aller balayer les loges des acteurs.

LUCIENNE :
Et alors ? C'est mon boulot.

POPAUL :
Oui, mais ce qu'il y a de bizarre, c'est que tu passes trois fois plus de temps à balayer la loge des acteurs que la loge des actrices.

LUCIENNE :
C'est parce que les acteurs font plus de cochonneries que les actrices.

POPAUL :
Ah, tu vois, tu avoues !

LUCIENNE :
J'avoue quoi ?

POPAUL :
Tu avoues que tu fais des cochonneries avec les acteurs.

LUCIENNE :
Mais j'ai jamais dit ça !

POPAUL :
Si, tu l'as dit.

LUCIENNE :
T'interprètes tout à l'envers. J'ai dit que les acteurs faisaient plus de cochonneries…

POPAUL : (la coupant avant qu'elle ne finisse sa phrase)
Ah, tu vois, tu le redis. Si les acteurs font des cochonneries, il faut bien que ce soit avec quelqu'un et comme tu es toujours fourrée chez eux, il faut pas chercher loin avec qui ils les font, les cochonneries.

LUCIENNE :
Ce que tu peux être de mauvaise foi. Tu entends les mots comme ça t'arrange.

Une actrice écarte le rideau de scène et passe la tête.

PAULINE :
Excusez-moi de vous déranger dans vos ébats amoureux, mais serait-il possible de réparer le rideau afin que nous puissions commencer le spectacle.

POPAUL :
Mais bien sûr, mademoiselle, je m'en occupe immédiatement.

PAULINE :
Merci, c'est très aimable à vous.

POPAUL :
Mais je vous en prie, je suis là pour ça.

LUCIENNE :
Ecoutez ça comment il lui cause, avec des fleurs dans la bouche. Vicieux !

PAULINE :
Madame, je vous en prie, cessez votre dispute, nous avons un spectacle à présenter.

LUCIENNE :
Toi l'artiste, je ne t'ai pas causée. Va te concentrer, ça vaudra mieux.

PAULINE :
Il est difficile de se concentrer avec les cris que vous poussez, Madame.

LUCIENNE :
Bon, je me tais, je me tais. J'aurai trop à dire.

PAULINE :
Au fait, Monsieur Paul, quand vous aurez fini de réparer le rideau, vous pourrez venir dans ma loge, il y a une lampe qui ne fonctionne plus.

LUCIENNE : (criant)
Ah ! Et voilà ! Et voilà ! (au public) Qu'est-ce que je vous disais ! (à Paul) Ah, on peut pas dire, t'es vraiment un malin, toi ! Un sacré malin ! (à l'actrice) Je vais aller vous la réparer, moi, votre lampe grillée ! (Elle s'en va)

POPAUL :
Mais enfin, Lulu, c'est pas ton travail, c'est le mien.

LUCIENNE :
Oui, eh bin aujourd'hui on change. Toi, tu iras d'occuper des cochonneries chez les acteurs. (Elle sort de la salle avec une détermination farouche)
POPAUL :
Mais enfin, ma Lulu, reviens…

PAULINE :
Dites, Monsieur Paul, elle a l'air drolement énervée votre femme.

POPAUL :
Non, non, aujourd'hui ça va, elle serait plutôt calme.

PAULINE :
Ah ?… Pensez-vous, Monsieur Paul, que vous puissiez réparer le rideau de scène dans des délais raisonnables, j'ai peur que le public s'impatiente.

POPAUL :
Je vais faire de mon mieux, Mademoiselle. Quant au public, ne vous inquiétez pas, je leur ai prêté mes mots croisés pour leur faire passer le temps.

PAULINE :
Bon, mais ne tardez pas trop tout de même.

POPAUL :
J'y vais colis fresco.

PAULINE :
Vous voulez dire illico presto, je suppose.

POPAUL :
Ouais, comme vous dites, mademoiselle. Ah, au fait, si vous pouviez m'aider, ça m'arrangerait.

PAULINE :
Ca serait avec plaisir. Que faut-il faire ?

POPAUL :
Quand je serai en haut de l'échelle, si vous pouviez tirer le rideau en même temps que j'essaie de le décoincer, ça me faciliterait le travail.

PAULINE :
Je suis désolée mais je ne pense pas en être capable. Je vais demander à René, notre souffleur, de venir vous aider.

POPAUL :
C'est très gentil à vous, mademoiselle.

PAULINE :
C'est tout naturel.

Pauline referme le rideau et disparaît.

POPAUL : (au public)
Elle est bien gentille cette demoiselle, et bien jolie… Euh, je voulais dire bien polie, elle est bien polie.

René, le souffleur, écarte le rideau et passe la tête.

RENE :
Pauline m'a dit que vous aviez besoin d'aide.

POPAUL :
Oui, effectivement. Quand je serai en haut de l'échelle, si vous pouviez tirer le rideau en même temps que j'essaie de le décoincer, ça me faciliterait le travail… (pas de réponse de René qui regarde Popaul avec un air ahuri) Vous avez compris ?

RENE :
Pas très bien. Vous pourriez répéter ?

POPAUL :
Quand je serai en haut de l'échelle, si vous pouviez tirer le rideau en même temps que j'essaie de le décoincer, ça me faciliterait le travail… Vous avez compris ?

RENE :
Vous pourriez répéter un peu plus doucement ?

POPAUL : (en décortiquant chaque mot)
Quand je serai en haut de l'échelle, si vous pouviez tirer le rideau en même temps que j'essaie de le décoincer, ça me faciliterait le travail. Vous avez compris cette fois ?

RENE :
Oui, je vous tiens l'échelle pendant que vous montez pour décoincer le rideau.

POPAUL : (commençant à s'énerver)
Mais non, moi je monte à l'échelle et vous, vous tirez le rideau pour m'aider à le décoincer. Compris ?

RENE :
Pas de problème. Je monte à l'échelle pendant que vous tirez le rideau.

POPAUL : (s'énervant complètement)
Mais pas du tout ! Ce n'est pas ça du tout !

RENE :
Alors ? Qu'est-ce que c'est ?

POPAUL : (en colère)
Je vous l'ai déjà expliqué. Vous montez à l'échelle, non, c'est moi qui monte à l'échelle et je tire le rideau, non c'est pas ça… Vous m'avez embrouillé, je ne sais plus, je ne sais plus où j'en suis.

RENE :
Quel est le problème ?

POPAUL : (désespéré)
Le problème est que le rideau est coincé et qu'on ne peut pas commencer tant que ce foutu rideau n'est pas décoincé.

RENE :
Je pourrai peut-être essayer de tirer le rideau ?

POPAUL : (explosant)
Eh bien voilà ! C'est ça ! Voilà ! C'est exactement ça ! Allez tirer le rideau !

RENE :
Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ?

René referme le rideau et disparaît.

POPAUL :
Ne nous énervons pas, restons calme…

RENE : (Voix off)
Bon, j'y vais, je tire le rideau !

POPAUL : (affolé)
Non, attendez, il faut que je monte en haut de l'échelle !

RENE : (Voix off)
Qu'est-ce que vous dites ? Je ne vous entends pas !

POPAUL :
Je vous dit d'attendre.

RENE : (Voix off)
D'accord, je tire !

POPAUL : (criant)
Non ! Pas maintenant !

Trop tard. Le rideau commence à s'ouvrir. Popaul se saisit en vitesse de l'échelle mais il s'arrête dans son élan car il s'aperçoit que le rideau de scène s'ouvre complètement.

POPAUL : (héberlué)
Oh, l'enfoiré ! Il a réussi à le décoincer ! Oh, l'enfoiré !

RENE : (apparaissant sur scène)
Ca va comme ça ?

POPAUL : (comme hypnotisé)
C'est parfait, on ne peut pas mieux faire ! Merci, merci beaucoup !

RENE :
De rien. Quand vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à m'appeler.

POPAUL : (les yeux hagards)
Je n'y manquerai pas.

Sortie de scène de René. Entrée de Pauline.

PAULINE :
Monsieur Paul, maintenant que le rideau est tiré, nous pouvons peut-être commencer le spectacle ?

POPAUL :
Oui, Mademoiselle, pas de problème. Je sors l'échelle et vous pouvez commencer.

PAULINE :
Bien, je vous remercie. (au public) Mesdames et Messieurs, veuillez nous excuser pour ce retard indépendant de notre volonté. Nous allons pouvoir dés à présent commencer la représentation. Le temps de refermer le rideau et en avant le spectacle !

POPAUL : (à Pauline)
Vous croyez que c'est bien prudent ?

PAULINE :
Que voulez-vous dire, Monsieur Paul ?

POPAUL :
Vous pensez que c'est prudent de refermer le rideau ? Vous n'avez pas peur qu'il se recoince ?

PAULINE :
Ne soyez pas si pessimiste, Monsieur Paul. Allez ranger votre échelle et ne vous occupez plus de rien, c'est à nous de jouer maintenant.

Pauline sort de scène. Le rideau se ferme.

POPAUL : (ronchonnant)
Je ne suis pas pessimiste, je suis prudent, c'est pas pareil. Enfin, moi, ce que j'en dis… Bon, sortons l'échelle… Ah ouais, mais Lulu elle est partie, je n'arriverai pas à sortir l'échelle tout seul. (à un spectateur) Tiens, vous, Monsieur, je vois que vous n'avez rien à faire, vous pourriez peut-être m'aider à sortir l'échelle. Tenez, prenez-la par ce bout-là et moi, je la prends par ce bout-ci… Et allez, hop ! En avant la cavalerie.

Popaul sort l'échelle de la salle, de préférence aidé par le spectateur.

VOIX OFF :
Mesdames et Messieurs, nous avons le grand honneur de vous présenter ce soir : " Roméo et Juliette " de William Shakespeare.

Le rideau commence à s'ouvrir mais s'arrête au bout d'un mètre. Ca coince. Plusieurs tentatives pour l'ouvrir, mais sans résultat.

UNE VOIX OFF :
Merde, c'est pas vrai ! Ca recommence !

Entrée de Popaul dans la salle.

POPAUL :
Vous le faites exprès ou quoi ? Qui est-ce qui ouvre le rideau ?
Le rideau s'écarte et un acteur passe la tête.

MARCEL :
C'est moi.

POPAUL :
Alors ? Qu'est-ce que vous foutez ?

MARCEL :
C'est pas de ma faute, ça démarre bien et après ça coince.

POPAUL :
Bon, on ne va pas y passer le réveillon ! (Criant) René ! René !

Apparition de René.

RENE:
Oui… Qu'est-ce qu'il y a ?

POPAUL :
Est-ce que vous pourriez faire la même chose que tout à l'heure pour décoincer ce foutu rideau ?

RENE :
Vous pourriez répéter plus doucement ? J'ai pas bien compris…

POPAUL : (hurlant)
Allez tirer le rideau !

RENE :
Tirer le rideau ? Vous n'aviez qu'à le dire tout de suite.

René disparaît.

POPAUL :
Restons calme, restons calme… Zen… Zen…

Le rideau s'ouvre.

POPAUL :
L'enfoiré ! Il le fait ! Il le fait ! Enfoiré d'enfoiré !

Apparition sur scène de René et de Marcel.

RENE :
Voilà ! Ca vous va comme ça ?

POPAUL :
Parfait ! Parfait… Merci, merci beaucoup !

RENE : (sortant de scène)
A votre service !

MARCEL :
Bon, maintenant on peut commencer le spectacle. On referme le rideau et on commence…

POPAUL : (sursautant)
Non… On ne referme plus le rideau ! On ne referme plus le rideau ! On commence le spectacle avec le rideau ouvert.

MARCEL :
Mais le spectacle n'est pas prévu comme ça.

POPAUL :
Je m'en fous ! Je m'en fous !

MARCEL :
Le metteur en scène ne va pas être content.

POPAUL :
Je m'en fous ! Je m'en fous !

MARCEL :
Ne vous fâchez pas… On y va, on va commencer avec le rideau ouvert.

POPAUL :
Voilà ! C'est très bien.

Marcel sort en jetant un dernier regard inquiet vers Popaul.

POPAUL :
Bon, voilà une bonne chose de faite ! Mesdames et Messieurs, je crois que le spectacle va enfin commencer. Je vais pouvoir récupérer mes mots croisés, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. (Il récupère les feuilles de mots croisés) Ben, dites donc, vous n'avez pas trouvé grand chose… Vous n'êtes pas des intellectuels, vous ! Ils sont pourtant pas compliqués, je vous ai donné le niveau débutant…

Apparition de Lucienne dans la salle.

LUCIENNE :
Popaul !

POPAUL :
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

LUCIENNE :
Je n'arrive pas à réparer la lampe grillée. Tu peux t'en occuper ?

POPAUL : (l'air réjoui)
Quand je te disais que c'était pas ton travail… Laisse-moi faire, j'y vais tout de suite.

LUCIENNE :
Oui, mais je t'accompagne.

POPAUL :
Pour quoi faire ? Je saurai me débrouiller tout seul…

LUCIENNE :
Je n'en doute pas, mais je te soupçonne d'avoir trouvé une astuce pour qu'il n'y ait que toi qui sache réparer la lampe.

POPAUL : (sortant de la salle)
Oh, ma Lulu, qu'est-ce que tu vas imaginer ? T'as vraiment l'esprit tordu pour penser une chose pareille !

LUCIENNE : (sortant aussi de la salle)
C'est plutôt toi, l'esprit tordu. Vicieux !

Un temps. Puis les lumières diminuent d'intensité.

VOIX OFF :
Mesdames et Messieurs, nous avons le grand honneur de vous présenter ce soir : " Roméo et Juliette " de William Shakespeare.

Éclairage plus puissant sur scène.
Entrée de deux acteurs, Marcel et Jules, en habit de scène.

MARCEL : (très emphatique)
Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac. (Mutisme de Jules qui regarde autour de lui)… Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac… (Jules ne réplique pas et regarde toujours autour de lui) Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac… (Même jeu de Jules) J'ai dit ! Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac. (Même jeu de Jules) Oh ! Moi je dis : Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac. Et toi, tu ne dis rien ! Toi, tu ne dis rien !

JULES :
Tu n'as rien remarqué ?

MARCEL :
Si, j'ai remarqué que tu n'enchaînais pas sur ma réplique.

JULES :
Non, mais regarde autour de toi. Tu ne remarques rien ?

MARCEL :
Je remarque que les spectateurs attendent que tu répliques à : Ma parole, Grégoire ! Nous ne mettrons pas ça dans notre sac.

JULES :
Ne sois pas obtus ! Regarde autour de toi et constate !

MARCEL :
Quoi ? Que je constate quoi ?

JULES :
Il n'y a pas de décor !

MARCEL :
Ah oui, c'est vrai… Il n'y a pas de décor… Je n'avais pas fait attention.

JULES :
Et tu arrives à jouer sans être troublé par cette absence de décor ?

MARCEL :
Ben oui, puisque je ne l'avais pas remarqué.

JULES :
Et bien moi, je ne peux pas jouer dans ces conditions, je suis désolé.

MARCEL :
Tu rigoles ?

JULES :
Pas le moins du monde.

MARCEL :
Mais le public attend !

JULES :
J'en suis le premier désolé.

MARCEL :
Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?

JULES :
Je ne sais pas… Vois ça avec le metteur en scène.

MARCEL :
Avec le metteur en scène ! A mon avis, il va être furax ! Tiens, d'ailleurs le voilà qui se pointe ! Et il a l'air furax !

Entrée sur scène de Gontran, le metteur en scène.

GONTRAN :
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Pourquoi vous-êtes vous arrêtés après la première réplique ?

MARCEL : (Désignant Jules)
C'est pas moi, c'est lui.

JULES :
Je suis désolé, Gontran, mais il n'y a pas de décor.

GONTRAN :
Et alors ?

JULES :
Et alors ? Je ne peux pas jouer s'il n'y a pas de décor.

GONTRAN :
Mais on a toujours joué sans décor !

JULES :
Oui, mais c'étaient les répétitions. Aujourd'hui, c'est la première et nous étions censés jouer dans des décors.

GONTRAN :
On les a oubliés !

JULES :
Comment ça ? On les a oubliés !

GONTRAN :
Eh bien oui, on a oublié les décors à Paris. Le camion est parti mais on avait oublié de charger les décors dedans.

JULES :
Vous plaisantez ?

GONTRAN :
Ai-je l'air de plaisanter ? Bon, maintenant, assez discuté. Il est temps de commencer la pièce.

JULES :
Mais il n'en est pas question ! Comment voulez-vous que je m'imprègne de mon personnage si je ne suis pas dans les décors qui correspondent à la scène que je dois jouer ?

GONTRAN :
Vous n'avez qu'à les imaginer !

JULES :
Mais ce n'est pas possible ! Je ne peux pas faire semblant de voir des décors qui n'existent pas ! Et vous allez demander aussi au public d'imaginer les décors ?

GONTRAN :
Écoutez, mon vieux, vous commencez à me courir ! Qu'est-ce que vous voulez comme décors ?

JULES :
Eh bien, je ne sais pas, moi. La scène est censée se passer sur une place publique à Vérone. Le minimum serait une fontaine, quelques parterres de fleurs, deux ou trois colonnes suggérant les demeures bourgeoises…

GONTRAN : (Sortant de scène)
Bon, et bien ne bougez pas de là, je vais vous l'amener votre décor !

MARCEL : (à Jules)
Il n'avait pas dit qu'on avait oublié les décors à Paris.

JULES :
C'était sûrement de l'humour. C'est typique chez les metteurs en scène, ils aiment bien être caustiques.

MARCEL :
En attendant, le public attend.

JULES :
Et nous aussi ! Mon cher Marcel, nous aussi !

Entrée du metteur en scène suivi de René portant divers objets.

GONTRAN : (Très nerveux)
Nous avons donc dit que la scène se passait sur une place publique de Vérone. Donc, quelques colonnes suggérant les demeures bourgeoises… (Il dispose ça et là des caisses de bois)

JULES :
Vous trouvez que ça ressemble à des colonnes ?

GONTRAN : (De plus en plus nerveux)
Vous avez dit : " suggérant des demeures bourgeoises ". Ces objets sont donc une suggestion. Soyez moderne, mon vieux, nous faisons du théâtre contemporain, nous suggérons.

JULES :
Du théâtre contemporain ? Avec " Roméo et Juliette " ?

GONTRAN :
Eh bien oui, c'est à la mode ! Nous réactualisons " Roméo et Juliette ". Voilà donc pour les colonnes… A présent, la fontaine… (Il prend dans les mains de René une grosse bouteille d'eau qu'il dispose sur des caisses de bois) Et voilà, une fontaine !

JULES :
Effectivement, c'est résolument moderne !

GONTRAN :
Nous suggérons, nous suggérons… Et maintenant, les parterres de fleurs… René, aidez-moi… (Ils disposent ça et là des fleurs artificielles) Ce sont les fleurs du concierge, elles feront très bien l'affaire… Et voilà quelques magnifiques parterres de fleurs ! La voilà, votre place publique de Vérone ! Les voilà, vos décors !

JULES :
Si vous le dites…

GONTRAN :
Et maintenant que vous n'avez plus d'excuses pour ne pas jouer, jouez !

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